EXTRAITS du PPCC
La " durée ", ou " cadence ", des parties d'échecs
suit depuis bientôt vingt ans une tendance tenace à la réduction.
Comment cela est-il possible ?
Il y a vingt ans, on jouait d'une part les " parties sérieuses "
cadencées régulièrement, jusqu'au bout, et d'autre part, le " Blitz
". Depuis est apparu le principe du K.O. applicable dans
un premier cas depuis la position initiale ou dans un second cas
à partir d'un certain nombre de coups : Jouer dans un temps déterminé
un nombre indéterminé de coups. En plus, dans le second cas,
on ignore la complexité de la position à partir de laquelle le principe
va s'appliquer.
La limite du " correct " devient floue : Comment défendre
telle ou telle durée dans un système où elle est par définition
insuffisante ? " Allez ! Vous avez bien joué en huit heures, alors
vous accepterez bien de jouer en sept, laissez-vous faire "… et
ainsi de suite.
Peut-on parler de " dérive " ? S'occupe-t-on assez
de qualité ? de Cohérence ?
Rappelons avant toute réponse l'évolution historique
récente :
Avant 1979 : 16 coups à l'heure, jusqu'au bout (ajournement
au bout de 40 coups 2h30)
Vers 1979 : 20 coups à l'heure, jusqu'au bout (ajournement
après 40 coups ou 50 coups). Toutefois le championnat du monde continue
16 coups à l'heure.
Vers 1988 : Repoussement de l'ajournement à 60 coups.
Le championnat du monde est passé à 20 coups à l'heure.
Vers 1992 : Certains tournois terminent les parties
au K.O. (1h K.O. après 60 coups). Mais haut niveau et championnat
de France " National " continuent d'ajourner. Beaucoup d'Opens se
jouent encore au " finish. "
Vers 1994 : Apparition de K.O. plus tôt (1/2 h K.O.
après 60 coups et même 1h K.O. après 40 coups) mais moins pour les
meilleurs et le championnat de France " National " continue l'ajournement.
Les tournois se jouant au finish se font rares.
Vers 1996 : la tendance se poursuit. On voit même
apparaître des tournois à une ronde par jour limitant à 7, voire
à 6 heures de jeu malgré leur potentiel. Contagion ? Le K.O. reste
généralement plus long ou plus tardif pour le plus haut niveau.
Vers 1996-97 : 40 coups 2h puis 1h K.O. aux Intercercles
de Nationale-3 alors que les Nat-2 et Nat-1 peuvent jouer plus longtemps.
Dans ces années est apparue l'homologation des parties
en 1h K.O. pour le Classement Elo National (même tentative pour
l'Elo FIDE, mais vite retirée). Pensez-vous qu'une partie limitée
à 2 heures puisse avoir la même valeur qu'une pouvant durer 3, 4,
5 fois plus ?
Remarque : Le plus souvent, les changements
s'appliquent sur la base avant le haut niveau. Pendant ce temps,
une action médiatique enfonce le clou : on fait grand tapage autour
des tournois à durée de jeu réduite auxquels participent les Grands
Maîtres les plus connus. (…)
Sans mettre l'accent que sur les inconvénients du
passé et du présent, faisons valoir quelques arguments :
LA QUALITE (niveau de jeu) :
Pour le minimum de gaffes et coups faibles :
Dans les tournois à 40 coups 2h et 20 coups/h, on voit souvent des
Grands Maîtres en crise de temps. Difficile donc d'envisager cadence
plus rapide pour les catégories inférieures !
La qualité ainsi définie varie bien entendu inversement
au nombre de rondes par jour. (…) Si les tournois à deux rondes
par jour ont le droit d'exister, que ceux à une ronde par jour autorisent
la meilleure qualité possible.
LA COHERENCE :
Pour une qualité maintenue sur toutes les phases
de la partie logiquement liées entre elles. Pourquoi saboter
la finale, fruit du travail patiemment construit antérieurement
?
Le principe du K.O., porteur d'incohérence, est à
éviter : temps déterminé pour nombre de coups indéterminé, impossibilité
de savoir si le temps pris pour réfléchir va faire gagner ou perdre,
avec le temps, situation croissante de " non réflexion " dans un
jeu de réflexion. (…)
LE RESPECT DE LA " NATURE " DU JEU :
Pour une cadence à la mesure de la complexité d'un
jeu qui nous dépasse. Ne pas aller " contre nature ". Pourquoi
jouer plus vite lorsque nous faisons déjà des fautes ? Valoriser
la réflexion dans un jeu de réflexion. Au " vous n'avez qu'à jouer
plus vite ", répondons " Vous n'avez qu'à jouer à un (autre) jeu
plus simple ! "
L'INTEGRITE :
Dans le sens de " complet ", " entier ". L'ensemble
des parties jouables aux échecs est une partie intégrante de ce
jeu, et peut-être la façon la plus simple de le définir.
La possibilité de réfléchir à des lignes de jeu dépend
dans la pratique du temps nécessaire pour les envisager, les évaluer,
et tenter de calculer ce qui ne peut être évalué. A partir du moment
où l'on accélère la cadence, les lignes les plus subtiles ou inattendues
ou réclamant un calcul précis ont moins de chances de " naître "
dans la tête ou sur l'échiquier. A l'approche ou à l'intérieur d'une
phase K.O., on est poussé à éliminer de la réflexion des lignes
de jeu intéressantes, sur des critères de temps.
Encore une fois : n'exigeons pas la perfection, mais
soyons conscients que la réduction de la durée de réflexion
va dans le sens d'une réduction du jeu d'échecs lui-même.
VALORISATION DES JOUEURS : RECONNAITRE LA DIFFERENCE
!
Autrefois le paysage était simple : il y avait la
" partie sérieuse " comptant pour le Classement Elo, cadencée, appliquée
et jusqu'au bout et le " Blitz " en quelques minutes. Depuis des
cadences intermédiaires sont apparues : 20 minutes KO/ 30 minutes
KO ; 1 heure KO ; 2 heures KO ; 40 coups 2 heures puis ½ heure KO,
etc. Et des " cadences Fischer " se profilent aussi à l'horizon.
La confusion est semée : une partie peut débuter sérieusement
et finir non-sérieusement. La confusion est étendue à la prise en
compte pour le classement Elo : prise en compte des 1 heure KO pour
le Elo National et tentative (heureusement retirée) pour le Elo
International. On a logé à la même enseigne de Jeu d'Echecs et
de Classement Elo des cadences par lesquelles la décision se fait
sur des critères non égaux (avec le KO, le temps influe beaucoup
plus).
De plus le " jeu au finish " seule cadence fondamentalement
pour une décision à la position tend à disparaître (par remplacement)
sans la reconnaissance d'être une discipline différente. (…)
LA CULTURE NECESSAIRE DES FINALES :
Comment certains de nos arguments pourraient-ils trouver
leur meilleur impact sans une bonne connaissance des finales de
part de la majorité des joueurs ? Je ne parle pas des mats élémentaires
mais des finales avec quelques pièces et pions. Par rapport au début
ou milieu de partie, le matériel est certes plus réduit mais la
mobilité de toutes les pièces plus grande (…). Il ne s'agit pas
seulement de " connaissance " mais aussi de " considération " qui
ne peut venir que par l'étude. Or, la grande majorité des amateurs
étudie essentiellement les débuts et des milieux de partie. Il
existe une sorte de " déficit culturel ". Certains croient-ils que
l'étude des finales doive être réservée aux Grands-Maîtres ?
(…)
Osons poser la question : ceux qui se prononcent, votent, décident
des cadences de jeu ont-ils une connaissance suffisante du jeu,
et particulièrement des finales, pour le faire ? Pour que ce soit
le cas, il faut promouvoir la culture des finales de partie.
(…)
Je demande seulement que nous fassions notre possible pour accorder
aux parties d'échecs le temps qu'elles méritent.
Encore une fois, il ne suffit pas d'avoir supprimé
l'ajournement pour des motifs valables… encore faut-il le remplacer
par une solution qui respecte le jeu.
Je souhaiterais que chacun d'entre vous prenne le
recul par rapport au courant actuel, étudie, réfléchisse, parle,
écrive, décide sans suivre aveuglément un " effet de mode " non
maîtrisé.
La version intégrale :
Les lecteurs intéressés peuvent demander un exemplaire
complet du PPCC 1997 en écrivant à Jean-Pierre ALET qui essaiera
de les satisfaire selon ses modestes moyens. Le PPCC nouvelle version
est actuellement en préparation. Les personnes qui voudraient apporter
une contribution en fournissant des données historiques ou d'actualité
peuvent également écrire à l'adresse suivante :
Jean-Pierre ALET / Appt. 46, 16 Allée des
Jardinières / 86000 Poitiers
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