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« L’Echiquier Marseillais - 1872 »
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par Robert Siberchicot |
En 2001, année de célébration
du Centenaire des associations de type Loi 1901, lesdites associations
françaises furent invitées par l'Etat à rédiger
leur Historique. Une étude appelée à mettre
au jour des évènements et personnalités souvent
méconnues et non signalées dans les ouvrages par trop
généraux. C'est dans cet ordre d'idées que
nous avons accueilli avec enthousiasme le dossier complet réalisé
par Franz Destrebecq sur l'« Histoire des Echecs à
Lyon », puis une belle contribution de Jacques Katlama &
Marc Quenehen sur leur club, « le Cercle d’Echecs Potemkine
» de Levallois-Perret. Série continuée avec
l’« historique du Cercle d’échecs de Strasbourg
» par MI Daniel Roos et maintenant avec la présentation
tout à fait détaillée de l’un des plus
anciens cercles français, par son secrétaire actuel
Robert Siberchicot. [Dany Sénéchaud]
Échiquier Marseillais 1872, histoire d’un
sauvetage :
Le Radeau des Danaïdes
C’est le 11 octobre 1997, jour de l’Assemblée
Générale annuelle, que je pris les fonctions de Secrétaire
de l’Échiquier Marseillais 1872, et que Marcel
Kelloffner, notre ami récemment disparu, auquel je succédais,
me transmit les dossiers et documents du secrétariat.
Il me confia notamment, avec solennité, comme s’il
s’agissait d’une précieuse relique, un vieux
cahier aux pages numérotées, à la couverture
cartonnée épaisse et entoilée, salie et tachée,
cahier dont l’apparence vétuste témoignait de
son grand âge et de sa préciosité.
Au dos de la première page de couverture, dès qu’on
ouvre le livre, est collé une découpe de la page 4000
du Journal Officiel de la République Française,
du 16 avril 1919, où, en bas et à gauche, au début
du chapitre des « Déclarations d’Associations
», figure le texte suivant : « 17 mars 1919. L’Échiquier
et le Damier Marseillais. Objet : Groupement d’amateurs de
jeu d’échecs et de dames. Siège : Café
de l’Univers, rue Pavillon, Marseille ».
Ainsi, l’Échiquier Marseillais serait né non
pas en 1872, au début de la Troisième République,
sous Adolphe Thiers, mais en 1919, quatre mois après la fin
de la Première Guerre mondiale.
À la page 49, sur le Procès Verbal de l’Assemblée
Générale du 14 octobre 1967, est inscrit le texte
suivant : « A été adopté à l’unanimité
la proposition présentée par le nouveau bureau que
l’association, en mémoire de la plus ancienne société
d’Échecs connue à Marseille, fondée en
1872, et de laquelle elle s’estime légitimement l’héritière,
prenne désormais le titre et l’appellation d’Échiquier
Marseillais 1872 ». Figure la signature du Président
Jean Marie P. L. Girardey, celle du Secrétaire général
(pourquoi « général » ?), Professeur Pierre
Sigal, ainsi que la signature et le Cachet du Chef de Bureau du
Préfet.
Ce que l’on ne sait pas, c’est où et par qui
a été recueillie l’information selon laquelle
« la plus ancienne société d’Échecs
connue à Marseille » aurait été créée
en 1872.
Prenons ce postulat pour vrai et l’information pour authentique.
Je me propose quand même d’aller bientôt à
la Bibliothèque de Marseille, demander à consulter
si c’est possible les micro fiches des archives, comme cela
se fait pour les naissances et les décès anciens.
Mais, 1872 c’était avant 1901 : y a-t-il trace des
créations d’associations avant 1901 ?
Avant de devenir l’Échiquier Marseillais 1872,
l’Échiquier et le Damier Marseillais, était
devenu l’Échiquier Marseillais en 1926, le
11 mars, comme l’atteste le Récépissé
de la Préfecture, timbré et paraphé, collé
à la page 2 du cahier.
Le plus vénérable ancêtre de notre association
« d’amateurs d’échecs », née
le 17 mars 1919, est Monsieur Victor Biron, courtier, son premier
président, dont le mandat s’est prolongé durant
huit ans, jusqu’au 17 décembre 1927, date à
laquelle Monsieur Albert Molinari, transitaire, lui succéda.
En feuilletant les pages jaunies de ce cahier, j’ai retrouvé
des noms de personnes que j’ai connues, dont certaines ont
marqué l’histoire des échecs à Marseille,
Monkievicz par exemple, Catozzi, le Colonel Cavalier largement cité,
Morançon qui m’avait amené au Cercle Phocéen
lorsque j’avais 17 ans. Klein, qui m’avait offert la
monographie sur la Défense Française de François
Le Lionnais, que j’ai toujours, 55 ans après…
Je pourrais en citer bien d’autres.
À la page 23, signé du Président Daniel Long,
vu par le Chef de Division délégué de la Préfecture,
en date du 1er avril 1943, figure le texte intégral et laconique,
du Procès Verbal de l’Assemblée Générale
extraordinaire du 28 mars 1943, relatant un épisode historique,
au double sens du terme, et que voici :
« Le dimanche 28 mars 1943, les membres de l’Échiquier
Marseillais se sont réunis en Assemblée Générale
extraordinaire, à la Brasserie Pélissier, 34 place
Saint Michel, sous la présidence de Monsieur Daniel Long,
président. Considérant l’impossibilité
actuelle d’accès au public de la Brasserie du Chapitre,
cours Joseph Thierry, mise à la disposition des troupes allemandes
d’opérations, ont décidé sur la proposition
de nombreux adhérents, de transférer provisoirement
le Siège Social de leur association au “Rex”,
95 la Canebière à Marseille, en attendant la réouverture
de la Brasserie du Chapitre. »
De 1919 à aujourd’hui, 21 présidents se sont
succédés (on pourrait dire enchevêtrés),
certains d’entre eux ayant eu des mandats interrompus et renouvelés,
comme par exemple, Monsieur Molinari qui fut président de
1927 à 1932, puis de 1935 à 1937 ; Daniel Long, de
1941 à 1947, puis de 1950 à 1954 ; Pierre Dubois de
1954 à 1956, puis de 1960 à 1962, et enfin, notre
actuel président, Robert Tsalikian, auquel il convient de
rendre hommage pour son dévouement et sa ténacité,
seul président de l’histoire de l’Échiquier
Marseillais 1872 a avoir exercé trois mandats : du 9
octobre 1976 au 18 novembre 1978, du 20 octobre 1987 au 15 octobre
1994, et réélu une troisième fois, le 7 octobre
2000, pour sauver du naufrage notre association, dont le passage
à la rue de Crimée se termina par une déroute,
le 1er octobre 2000, sur le radeau des Danaïdes, ultime bouée
de sauvetage !
Aujourd’hui, le capitaine courageux Tsalikian est toujours
assisté de son second fidèle, Charles Matarasso, lequel
est éternellement dévoué et solidement agrippé
aux cordons de la bourse dont il a la garde. Le Capitaine Président
ayant tenu d’une main ferme six ans durant la barre du radeau
et ayant raccroché à son bord 70 rescapés et
nouveaux venus, l’embarcation est devenue instable, et il
faudra bientôt songer à gagner une terre ferme, pour
y asseoir les ambitions d’agrandissement, d’actions
et de succès de notre famille échiquéenne.
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On remarque à la lecture des Procès Verbaux des Assemblées
Générales qui se sont succédées de 1919
à aujourd’hui, que notre association a navigué
de bars en brasseries, avec une seule tentative de localisation
privée à la rue de Crimée, du 2 octobre 1997
au 1er octobre 2000. Pour l’instant, et pour répondre
aux vœux du président soucieux de préserver la
préférence de nombreux joueurs pour « l’ambiance
brasserie », nous restons attachés aux Danaïdes.
Mais l’extension de l’Échiquier Marseillais
1872 en nombre d’adhérents nécessite des localisations
complémentaires. Ces localisations ponctuelles, sont propices
à y exercer des réunions ou des rencontres de compétitions.
C’est le cas du Cercle Saint Michel, rue Briffaut, notamment,
très obligeant à notre égard.
Un premier jalon, une première amarre est accrochée
au quai solide de la municipalité marseillaise, à
deux pas des Danaïdes, à la Cité des Associations.
Il faudra convaincre cette institution municipale par notre sérieux,
notre ponctualité, notre action vulgarisatrice en faveur
des Échecs, que nous sommes dignes de bien mieux qu’un
radeau, sinon d’un château, du moins d’une large
vitrine ouverte quelque part et bientôt, du côté
d’Euroméditerranée, pôle, entre autres,
des loisirs et de la culture marseillaise, dont la réalisation
est en marche.
Bon vent, Échiquier Marseillais 1872, vogue vers
les terres ensoleillées de ton bel avenir ! Ta longue et
glorieuse histoire témoigne de ton obstination à vivre,
à surmonter les vicissitudes et les tourmentes.
R. Siberchicot, février 2006
1902 : La Régence Marseillaise (groupe
de joueurs d’échecs), remporte un tournoi international
par correspondance, sans perdre une seule partie.
Dans le fameux cahier évoqué précédemment
étaient insérés quelques feuillets reliés,
aussi vétustes et jaunis que le cahier lui-même, mais
peut-être plus précieux encore, et en tout cas plus
anciens.
C’est en 1902, sous la Présidence Républicaine
d’Émile Loubet, et, si l’on en croit le nom porté
manuellement sur le premier feuillet, celle d’Albert Molinari
pour le « Groupe de Joueurs d’Échecs »...
... que débuta cette confrontation internationale d’Échecs
par correspondance, en huit parties, que nous nous proposons de
vous présenter.
Le tournoi était thématique, et le début imposé
était le Gambit du Roi, très prisé à
l’époque, et toujours pratiqué aujourd’hui
par quelques nostalgiques du romantisme et les casse-cou !
À la première page des feuillets, à en-tête
de la Régence Marseillaise, une lettre est reproduite, datée
de novembre 1904, signée « Le Comité »
et adressée à Monsieur… anonyme !
Nous y apprenons que la Régence Marseillaise avait eu à
combattre six adversaires européens et deux Français,
à Besançon et à Paris (groupe de joueurs du
parc Monceau), puis en Europe à Prague, au Caucase, à
Bruxelles, à Kent en Angleterre, à Amsterdam et à
Gatchina en Russie. La Régence Marseillaise remporta le tournoi
sans perdre une seule partie, en concédant la nullité
seulement aux Pragois.
Les parties sont présentées et commentées en
notation descriptive, notation qui n’est plus employée
aujourd’hui et à laquelle nous ne sommes plus accoutumés.
Robert Tsalikian se charge de les transposer en notation algébrique,
de manière à les rendre plus aisément lisibles.
Lorsque ce sera fait, nous ne manquerons pas de présenter
à nos lecteurs ces parties musclées, héritées
de nos glorieux et exemplaires ancêtres, contribuant ainsi
à susciter peut-être un regain en faveur du Gambit
du Roi, thème ardent hélas aujourd’hui délaissé,
aussi bien dans les clubs que chez les Grands-Maîtres.
Voici les sept premiers coups imposés par le règlement
de ce tournoi thématique. Ils serviront de base à
l’examen des amateurs et à l’analyse des plus
exigeants, en attendant de voir comment nos pères spirituels
ont su triompher dans ce dédale de combinaisons périlleuses. |
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Gambit du Roi, variante Rice (appelé Gambit Rice) :
1.e4 e5, 2.f4 exf4, 3.Cf3 g5, 4.h4 g4, 5.Ce5 Cf6, 6.Fç4
d5, 7.exd5 Fd6
À l’intention de nos lecteurs profanes ou débutants,
profitons de l’opportunité qui nous est offerte pour
revenir sur le mot « Gambit ».
Comme l’expliquait fort à propos notre talentueux moniteur
Zvonimir Zotti, au cours de la première leçon aux
débutants, le 8 mars dernier, à la Cité des
Associations : un gambit n’est pas un cadeau, mais un investissement,
procurant une compensation suffisante et souvent avantageuse au
prix du Pion investi. Il nous a démontré avec brio
que dans le Gambit Dame, après 1.d4 d5, 2.ç4 dxç4,
3.e3, si les noirs veulent se cramponner au bénéfice
illusoire du Pion d’avance par 3…b5, ils sont sévèrement
punis !
Récemment, Guy Rouverol me disait, à propos du Gambit
Évans dans l’Italienne (1.e4 e5, 2.Cf3 Cç6,
3.Fç4 Fç5, 4.b4), que je me suis remis à pratiquer,
pour obéir à mes instincts romantiques et aventureux
: « C’est faux ! Ça a été archi
analysé, ça n’est pas bon pour les Blancs »,
ce à quoi je lui ai répondu : « Bien sûr
ami, mais ça été analysé par qui, et
quand ? Et combien de mes adversaires connaissent ces analyses,
et sont capables de réfuter mon gambit ‘faux’
mais puissant, qui bien souvent les surprend et les déstabilise
? »
R. Siberchicot, mars 2006
CERCLE BRUXELLES – REGENCE MARSEILLAISE
10.03.1904, corres. [C39]
… 8.0-0 Fxe5, 9.Te1 De7, 10.c3 f3, 11.d4 Ce4, 12.Txe4
Fh2+, 13.Rxh2 Dxe4, 14.Fg5 g3+, 15.Rh1 f6, 16.Cd2 fxg2+, 17.Rg1
Df5, 18.De2+ Rd8, 19.Fe3 Dh3, 20.Dxg2 Dxh4, 21.Cf3 Dg4, 22.Fe2 Te8,
23.Fd2 Dg6, 24.Ff4 Fh3, 25.Dxh3 Txe2, 26.Tf1 Cd7, 27.Dh4 Rc8, 28.c4
a5, 29.c5 a4, 30.Fxg3 De4, 31.Dh5 Ta5, 32.Dh3 Tb5, 0-1.
MG ROBINO – REGENCE MARSEILLAISE
21.11.1904, corres. [C39]
… 14.g3 0-0, 15.Ff4 b5, 16.Fd3 Dxd5, 17.c4 bxc4,
18.Cc3 Db7, 19.Fc2 Dxb2, 20.Cd5 Cc6, 21.Tb1 Dxd4, 22.Dxd4 Cxd4,
23.Ce7+ Rg7, 24.Fe5+ f6, 25.Fxd4 Td8, 26.Fc3 Te8, 27.Fe4 Txe7, 28.Fxa8
Te3, 29.Tc1 Te2+, 30.Rg1 Tg2+, 31.Rh1 Fe6, 32.Fd4 Te2, 33.Fc6 Ff5,
34.Fd5 Fd3, 35.Rg1 Tg2+, 36.Rh1 Txa2, 37.Rg1 Tg2+, 38.Rh1 Txg3,
39.Ta1 c3, 40.Txa7 c2, 41.Txc7 Rg6, 42. 0-1.
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L’Echiquier Marseillais - 1872
Brasserie-Restaurant « les Danaïdes »
6, square Stalingrad
13001 Marseille
tél : 06 18 24 71 60
mél : roberttsa@numericable.fr
Tout en haut de la Canebière, la brasserie des Danaïdes
étale sa terrasse sur une place ombragée ornée
d’une fontaine à vasque où s’ébrouent
les moineaux et que dominent les flèches gothiques de l’église
des Réformés. L’établissement, qui se
dit « voué aux arts et aux idées », est
l’un des lieux branchés de la cité phocéenne.
Expositions de peinture, débats littéraires, rencontres
avec écrivains et poètes étrangers s’y
succèdent. Sans oublier le très prisé concours
de tango mensuel. Pouvait-on imaginer site plus propice à
l’épanouissement des Échecs ?
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© Reyes 1997-2007 (Reproduction interdite sans autorisation)
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